- Nutrition Infantile
Autorisez le dépôt de cookies pour accéder à cette fonctionnalité.
Il nous manque vos centres d’intérêts pour profiter au mieux de votre expérience personnalisée
Retrouvez les principaux sujets du Congrès Francophone d’Allergologie, qui s’est tenu à Paris du 25 au 28 avril, au Palais des Congrès Porte Maillot. Cette 18ème édition a eu pour fil rouge : le rôle du lait maternel dans l’allergie, et la prévention de l’allergie chez l’enfant.
Rôle du lait maternel dans l’allergie – 18ème Congrès Francophone d’Allergologie (Paris. Du 25 au 28 avril 2023).
Références:
Karen Adel-Patient – Composition du lait maternel et allergies alimentaires
Marie Bodinier - Rôle des oligosaccharides du lait maternel dans l’allergie
Martin Larsen - Composition du microbiote du lait maternel et allergies
Le lait maternel est l’alimentation physiologique du nouveau-né, et l’OMS recommande un allaitement exclusif durant les 6 premiers mois de l’enfant. L’allaitement prolongé a des effets bénéfiques prouvés sur le développement de l’enfant. Il le protège également contre les infections, les altérations métaboliques, l’asthme et la dermatite atopique. Toutefois, il est encore difficile d’affirmer avec certitude le rôle protecteur de l’allaitement maternel contre les allergies alimentaires.
Le lait maternel protège-t-il des allergies ? Les preuves se font attendre
Au-delà du rôle nutritionnel du lait maternel, ses composés bioactifs lui confèrent des propriétés bénéfiques en termes de santé et d’immunité :
Le lait maternel contient aussi des antigènes alimentaires ingérés par la mère, dérivant du lait de vache, de l’arachide, du blé, de l’œuf, plus ou moins dégradés, et présents en très faibles quantités. Des modèles animaux ont démontré un rôle protecteur spécifique de certains antigènes contre la sensibilisation et l’asthme induits par ces mêmes antigènes. Ces modèles suggèrent aussi que les antigènes de la mère jouent un rôle d’éducateurs du système immunitaire de la descendance.
Les difficultés rencontrées pour démontrer l’effet protecteur de l’allaitement maternel sur le développement des allergies de l’enfant peuvent être en lien avec les très nombreux facteurs impliqués, comme les variations inter et intra-individuelles de la composition du lait, la durée de l’allaitement, les pratiques de sevrage, la génétique, l’environnement de vie et de naissance. A moins que, comme le suggère Karine Adel Patient, cette absence de preuve ne reflète une « adaptation « néfaste » de la composition du lait maternel au mode de vie moderne ».
Les HMOs, une exclusivité bénéfique du lait maternel
Les 1000 premiers jours sont une période-clé dans le développement des systèmes biologiques et un moment d’échanges importants entre la mère et son enfant : échanges fœto-maternels, échanges au moment de l’accouchement (transfert du microbiote primaire), puis contacts quotidiens étroits et transmissions par le lait maternel.
Les composants bioactifs du lait maternel ont une action sur le tube digestif, le système immunitaire et sur le développement du microbiote intestinal du nourrisson. Les oligosaccharides contenus dans le lait maternel (HMOs pour Human Milk Oligosaccharides) en sont un composant essentiel, transmis à l’enfant pendant l’allaitement. Ils sont présents à raison de 5 à 15 g/l, en 3ème position derrière le lactose (70 g/l) et les lipides (40 g/l).
Généralement absents des laits d’animaux d’élevage, plus de 130 types de HMOs ont été décrits dans le lait maternel chez l’homme. Les familles les plus représentées sont les 2’FL représentant environ 30 % de la totalité, les LNnT et les 3’-syalillactose. La concentration et le type de HMO varient dans le lait maternel selon les individus, l’âge gestationnel et pendant les phases d’allaitement, mais les principales différences de sécrétion restent génétiques. Ainsi par exemple, la sécrétion du type 2’FL est dépendante de la présence d’un gène FUT2 actif, présent chez 8 femmes sur 10.
Les HMOs renforcent et protègent la barrière intestinale du nourrisson, favorisent la prolifération de souches bactériennes intestinales spécifiques bénéfiques pour la santé, et la sécrétion d’acides gras à chaine courte. Les cellules du système immunitaire inné possèdent des récepteurs pour les HMOs, qui participent à la modulation de l’expression des cytokines inflammatoires. Au niveau du système immunitaire adaptatif, les HMOs activent la réponse immune de type Th1 et établissent un environnement tolérogène.
Il est actuellement possible de synthétiser des HMOs identiques structurellement à ceux du lait maternel humain. L’Autorité européenne de sécurité des aliments et la Food and Drug Administration ont autorisé l’utilisation de 2 HMOs (le 2’FL et le LNnT) dans les laits pour nourrissons et les laits de suite. Toutefois, si l’on sait que les HMOs ont des effets bénéfiques sur la barrière intestinale, le système immunitaire et le microbiote, et que les études précliniques et cliniques donnent des résultats prometteurs en termes de prévention de l’allergie, ces effets restent à confirmer par de plus vastes études.
Agir sur la dysbiose précoce pour réduire le risque allergique ?
De très nombreuses études ont montré l’importance de la composition du microbiote intestinal sur la santé. L’altération précoce du microbiote intestinal (dysbiose) chez le nourrisson semble exercer une influence sur le risque d’allergie. Ainsi, une étude cas-témoin a montré que le risque d’asthme à 5 ans pouvait être prédit par la présence d’une dysbiose intestinale à l’âge de 3 mois.
La colonisation intestinale commence dès la naissance. Elle est sous l’influence de l’alimentation, des contacts avec la peau et avec le microbiote vaginal de la mère. Jusqu’à 3 mois, le microbiote intestinal du nourrisson allaité dépend grandement de la composition du microbiote du lait maternel. Plusieurs types de composition de microbiote ont été identifiés, différents selon le mode de naissance et d’alimentation, et sont associés à des degrés divers au risque de manifestations allergiques. Dans les modèles murins, il semble exister une fenêtre d’opportunité de 2 semaines après la naissance, pendant laquelle une éventuelle dysbiose survenue au cours de la primo-colonisation pourrait être corrigée afin de réduire le risque d’allergie. Une telle intervention n’a pas encore fait ses preuves chez l’homme.
Synthèse réalisée en collaboration avec l’entreprise Nutricia.
Dr Roseline Péluchon
Rôle du lait maternel dans l’allergie – 18ème Congrès Francophone d’Allergologie (Paris. Du 25 au 28 avril 2023).
Références :
Karen Adel-Patient – Composition du lait maternel et allergies alimentaires
Marie Bodinier - Rôle des oligosaccharides du lait maternel dans l’allergie
Martin Larsen - Composition du microbiote du lait maternel et allergies
Prévention de l’allergie chez l’enfant à l’heure de la médecine 6P – 18ème Congrès Francophone d’Allergologie (Paris. Du 25 au 28 avril 2023)
Références:
Isabella Annesi-Maesano – Prévenir les allergies respiratoires ? un vrai challenge à l’heure du changement climatique
Dominique Sabouraud-Leclerc – Quels conseils de prévention appliquer pour une réduction des allergies alimentaires de l’enfant ?
Xavier Van Der Brempt – Prévenir les syndromes d’allergie pollen-aliment ?
La prévention de l’allergie chez l’enfant a fait l’objet d’une session plénière au cours du 18ème Congrès Francophone d’Allergologie qui se tenait du 25 au 28 avril à Paris. Changement climatique, prévention de l’allergie alimentaire et du syndrome pollen-aliment étaient à l’ordre du jour.
Le changement climatique, responsable d’une augmentation des allergies
L’intervention du Dr Isabella Annesi-Maesano était consacrée à l’impact du changement climatique sur les allergies. Pour illustrer la gravité du sujet, l’intervenante cite la prévision de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) selon laquelle, en 2050, 50 % de la population mondiale présentera au moins une allergie. Pour I. Annesi-Maesano, le lien entre changement climatique et allergie est le produit de la combinaison d’un environnement plus toxique et d’une susceptibilité individuelle augmentée.
L’intervenante souligne l’importance du concept d’exposome qui décrit « l’ensemble des facteurs d’exposition à l’environnement auxquels une personne est soumise au long de sa vie, et qui contribue à la compréhension de l’apparition et du développement des maladies allergiques et de l’asthme ». De nombreuses études confirment l’impact du changement climatique sur la santé, avec ses effets directs (T°, humidité, UV), ses effets indirects sur les facteurs de risque connus comme les pollens et les moisissures et ses effets mixtes, quand les facteurs « pollution et pollens » se rencontrent. D’autres travaux sont en cours pour analyser les différentes interactions entre tous les facteurs chez un même individu et élaborer des solutions de prévention.
Allergie alimentaires, anaphylaxies, polysensibilisations : une situation nouvelle
Le sujet des allergies alimentaires, traité ensuite par le Dr Dominique Sabouraud Leclerc est tout aussi crucial, quand les études alertent sur une situation inédite, avec l’augmentation importante de leur prévalence, y compris des allergies à risque d’anaphylaxie, et des polysensibilisations.
En France, les données de l’étude ELFE, recueillies en 2016, montraient une prévalence des allergies alimentaires de 6 % chez les enfants de moins de 5,5 ans, dont 20,5 % présentaient des polyallergies. Les allergies alimentaires les plus fréquentes étaient le lait de vache (3,4 %), les œufs (0,87 %), l’arachide (0,87 %). Parmi les enfants allergiques à l’arachide, 59,1 % présentaient une polyallergie alimentaire (œufs, fruits à coques, légumineuses).
Face à cette situation alarmante, un groupe de travail, constitué par des pédiatres de la Société Française d’Allergologie, a élaboré des recommandations de prévention pour l’allergie alimentaire de l’enfant. Ces recommandations, devraient être mises en pratique dès la naissance et pour tous les nourrissons. En effet, si des antécédents familiaux d’allergie augmentent le risque d’allergie chez le nourrisson, l’absence de tout antécédent ne l’exclut pas : environ 20 % des nouveau-nés vont développer de l’atopie, et la moitié d’entre eux seront sans antécédent familial atopique. La prévention doit donc s’adresser à tous.
La prévention, de la naissance à la diversification alimentaire
Les études n’ont pas montré d’effets bénéfiques de la supplémentation maternelle pendant la grossesse, qu’il s’agisse de la supplémentation en acides gras, en vitamine D ou en probiotiques. Un régime équilibré, riche en fruits et légumes est à recommander.
L’essentiel de la prévention commence donc à la naissance et 3 axes de prévention ont été retenus par le groupe de travail : l’environnement, la peau, l’alimentation.
Concernant l’environnement, la prévention de l’allergie alimentaire est celle du risque allergique global, en évitant l’exposition au tabagisme et à la pollution, intérieure et extérieure. A la naissance, l’influence du microbiote intestinal sur l’installation de l’immunité et l’impact de sa dysbiose sur l’apparition des allergies devraient conduire à privilégier la naissance par voie basse et à réduire l’utilisation d’antibiotiques et des inhibiteurs de la pompe à protons chez le nouveau-né et le nourrisson.
Limiter la présence d’allergènes dans l’environnement du nourrisson est une autre mesure nécessaire. Notons une mesure essentielle dans ce cadre : il s’agit du lavage des mains avant de toucher un nourrisson, après avoir consommé ou cuisiné des fruits à coques, de l’arachide ou des graines…
… Ceci car le rôle de la barrière cutanée est bien démontré. La présence de dermatite atopique modérée à sévère d’apparition précoce est le principal facteur de risque d’allergie alimentaire du jeune enfant. La dermatite atopique doit donc être traitée activement pour restaurer la barrière, par un traitement par émollient et dermocorticoïdes. La présence de S. aureus est un facteur favorisant qui doit être traité. Si l’éviction des émollients à titre préventif est actuellement sujette à controverse, l’application de cosmétiques à base de protéines alimentaires comme huile d’amande douce, huile de coco, aloe Vera est en revanche fortement déconseillée.
Enfin, concernant l’axe digestif, l’allaitement maternel est recommandé jusqu’à 4 à 6 mois, ou à défaut une formule de lait 1er âge. Rappelons que le lait HA ne prévient pas l’allergie alimentaire.
Les études observationnelles ont montré que les compléments isolés de lait de vache, donnés à la maternité aux nouveau-nés destinés à être exclusivement allaités, augmentent le risque d’APLV. Le groupe de travail recommande donc fermement de ne plus donner de compléments de lait de vache à la maternité en attendant la montée de lait. A contrario, l’ingestion régulière de petites quantités de lait (10 ml) en complément de l’allaitement maternel préviendrait l’APLV IgE-médiée et pourrait être proposée.
La diversification alimentaire joue un rôle majeur pour la prévention de l’allergie alimentaire. Elle devrait se situer dans la fenêtre d’opportunité entre 4 et 6 mois, avec la variété la plus grande possible, en incluant les œufs et les fruits à coques (y compris l’arachide).
Il est important d’indiquer aux parents qu’une fois introduit, l’aliment doit être consommé régulièrement, durant toute l’enfance, et que la consommation d’un allergène suivie d’une période d’éviction est plus à risque d’entrainer une allergie. Les allergènes introduits précocement doivent donc être des aliments consommés habituellement par la famille et leur introduction doit être facile et pratique à réaliser par les parents.
Des fiches pratiques de diversification alimentaire sont à la disposition des praticiens et des parents sur le site allergodiet : https://allergodiet.org/prevention-pour-la-diversification-alimentaire-du-nourrisson/
Prévenir les syndromes d’allergie pollen-aliments
La 3ème intervention de cette session était consacrée au syndrome d’allergie pollen-aliment (SAPA). Ce terme décrit des réactions allergiques impliquant systématiquement certains pollens et certains aliments. Il s’agit de réactivités croisées entre des allergènes structurellement semblables dans les deux sources allergéniques. (1)
Les principaux allergènes impliqués dans les SAPA sont les PR10, les profilines et les LTP. Les manifestations cliniques sont variables. Il s’agit le plus souvent d’un syndrome oral simple, mais parfois d’un syndrome oral aggravé ou anaphylactique, voire d’une anaphylaxie sans syndrome oral.
Le Dr Xavier Van der Brempt note que la fréquence du SAPA est en augmentation et n’est pas rare chez l’enfant. Une enquête menée en Grande Bretagne donnait récemment une prévalence de 2 %. Chez l’adulte, jusqu’à 60 % des allergies alimentaires seraient associées à des allergies au pollen. La gravité des formes cliniques semble elle aussi en augmentation, avec un risque d’anaphylaxie non négligeable, altérant fortement la qualité de vie des patients et de leurs proches.
La prévention primaire porte sur les conditions favorisant les pollens : lutte contre le réchauffement climatique qui favorise un allongement de la saison pollinique, notamment pour les pollens de printemps, lutte contre la pollution atmosphérique qui modifie la structure des grains de pollens, augmentant leur pouvoir allergisant.
La prévention secondaire consiste à détecter l’allergie pollinique dès le plus jeune âge en cas de symptômes, et à agir sur les patients à risque, c’est-à-dire ceux présentant une pollinose, notamment aux pollens de Bétulacées, les plus fréquents en Europe du Nord et dont les homologues se retrouvent dans des fruits (pommes, abricots) et des légumes (carottes). La carence en vitamine D, le microbiote intestinal pourraient être aussi des leviers d’action.
Enfin, la prévention tertiaire, une fois le SAPA installé, doit s’attacher à améliorer la qualité de vie altérée par les nombreuses évictions alimentaires, et à réduire le risque d’anaphylaxie.
Les facteurs de risque d’anaphylaxie sont liés à l’individu lui-même et à l’allergène en cause. Certains allergènes semblent plus responsables d’allergies sévères (SAPA grade 4 ou 5) : les fruits à coques, particulièrement la noisette (mais la cuisson détruit les PR10), le soja surtout dans ses formes liquides ou concentrées, la carotte, le céleri.
Les immunothérapies sous cutanées ou sublinguales ne semblent pas efficaces sur les SAPA. En revanche, une induction de tolérance à la pomme a été menée avec succès par l’équipe de X. Van der Brempt, sur des patients présentant une allergie au bouleau et un syndrome oral à la pomme. Deux mois après le début de la procédure, 97 % des patients pouvaient manger une pomme entière, avec une tolérance maintenue à long terme pour les patients qui continuaient à consommer de la pomme régulièrement. Les patients toléraient aussi d’autres végétaux symptomatiques. En revanche, le lait de soja et la noisette n’avaient pas été réintroduits. Les effets de l’induction de tolérance étaient significatifs aussi sur la pollinose. La question se pose enfin de la mise à disposition d’une trousse d’urgence pour les patients atteints de SAPA. Pour X. Van der Brempt, la décision doit s’appuyer sur les expériences passées du patient et son degré d’anxiété.
Résumé des propositions de la Société Française d’Allergologie
Synthèse réalisée en collaboration avec l’entreprise Nutricia.
Dr Roseline Péluchon
Prévention de l’allergie chez l’enfant à l’heure de la médecine 6P – 18ème Congrès Francophone d’Allergologie (Paris. Du 25 au 28 avril 2023)
Références :
Isabella Annesi-Maesano – Prévenir les allergies respiratoires ? un vrai challenge à l’heure du changement climatique
Dominique Sabouraud-Leclerc – Quels conseils de prévention appliquer pour une réduction des allergies alimentaires de l’enfant ?
Xavier Van Der Brempt – Prévenir les syndromes d’allergie pollen-aliment ?
(1) Poncet C. et al. Quid des pollens et des allergies croisées : le point de vue du chercheur – Congrès CFA 2023