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Comment améliorer le dépistage de la fragilité des personnes âgées atteintes de cancer ?

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Le terme de « fragilité » (« frailty ») décrit la vulnérabilité associée à l’âge. Elle constitue un élément essentiel à prendre en compte pour ajuster la prise en charge en oncologie. Il s’agit, non pas de décider si le patient doit bénéficier ou non du traitement de la tumeur, mais de définir la prise en charge la mieux adaptée à son état et qui devrait donc être la mieux tolérée. La fragilité augmente en effet le risque d’intolérance et de faible réponse au traitement, et celui de complications post-opératoires. Depuis une vingtaine d’années, la détection et la quantification de la fragilité se sont améliorées en pratique et plusieurs sociétés médicales internationales et nationales ont établi des recommandations pour que la fragilité soit diagnostiquée avant l’initiation des traitements anti-cancéreux. Une revue systématique a été réalisée récemment pour analyser les pratiques actuelles de détection et de suivi de la fragilité.

Pour le diagnostic de fragilité de la personne âgée en général, deux méthodes sont reconnues comme les « gold standard » : le phénotype de fragilité de Fried et l’index de fragilité de Rockwood. D’autres outils de dépistage sont utilisés, parmi lesquels le « Score clinique de fragilité », qui a connu un bel essor au cours de la pandémie de Covid-19, ou le « Score d’évaluation gériatrique », très utilisé depuis de nombreuses années en routine en soins gériatriques.

Le dépistage avant tout

Toutefois, la prise en charge des patients âgés atteints de cancer comporte des spécificités. L’objectif essentiel est de les protéger le plus tôt possible des évènements indésirables. Les principales sociétés savantes préconisent de réaliser le dépistage avant d’initier le traitement, afin de repérer dans un premier temps les patients vulnérables qui pourraient bénéficier ensuite d’une évaluation gériatrique exhaustive.

Si les scores de performance ECOG (Eastern Cooperative Oncology Group) ou KPS (Karnofsky Performance Score) sont très utilisés en oncologie, l’ASCO (American Society of Clinical Oncology) et le SIOG (International Society of Geriatric Oncology) recommandent de préférence le score Geriatric-8 (G8) et le VES 13. Ces derniers fournissent une indication sur la fragilité mais ne peuvent suffire pour décider des modalités de traitements ou de prise en charge de la fragilité. Les sociétés savantes recommandent donc de réaliser, dans un deuxième temps, l’évaluation gériatrique exhaustive pour les patients à partir de 65-70 ans, identifiés comme vulnérables par un premier dépistage. L’évaluation couvrira alors tous les domaines essentiels de la gériatrie. Elle peut être avantageusement complétée par les calculateurs de risque de toxicité de la chimiothérapie, comme le CARG (Cancer Aging Research Group) et le CRASH (Chemotherapy Risk Assessment Score for High Age Patients), accessibles en ligne.

Une prise en charge efficace mais un suivi à codifier

La prise en charge de la fragilité du patient atteint de cancer sera pluridisciplinaire, impliquant les infirmiers, nutritionnistes, médecins, etc. Les études ont montré que l’évaluation de la fragilité et sa prise en charge, améliorent la tolérance des traitements et leur poursuite, notamment chez les patients les plus âgés traités par chimiothérapie. Les données indiquent un nombre de sujets à traiter (NNT) se situant entre 5 et 10.

Le suivi du patient devra inclure un monitoring de la fragilité. Les scores de fragilité peuvent s’aggraver, des co-morbidités apparaître, mais peuvent aussi s’améliorer, par rémission du cancer ou par les interventions de prise en charge de la fragilité. Si les outils de dépistage de la fragilité peuvent être utilisés pour le suivi, il n’existe pas encore de recommandations précises pour la surveillance de la fragilité au fil du temps. Les auteurs de l’étude signalent l’intérêt des dispositifs connectés qui permettent désormais le suivi au jour le jour de nombreux paramètres.
 
Cette revue de la littérature souligne les points restant à préciser. Il serait par exemple intéressant de déterminer les « trajectoires de fragilité » les plus fréquentes selon les traitements, de préciser les interventions les plus efficaces pour modifier ces trajectoires, de définir les outils pour le suivi, et particulièrement l’aide que peuvent fournir les technologies connectées.

Dr Roseline Péluchon

Goede V. Frailty and Cancer: Current Perspectives on Assessment and Monitoring. Clin Interv Aging. 2023 Mar 28;18:505-521.